Extrait de Mensonges Freudiens de Jacques Bénesteau

Philippe Gouillou - 28 septembre 2002 -https://douance.org/psycho/extrait-benesteau.html
Les seize premières pages du livres

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Mensonges freudiens. Histoire d'une désinformation séculaire
Jacques Bénesteau (septembre 2002)Extrait de : Mensonges freudiens : histoire d'une désinformation séculaire de Jacques Bénesteau - Ed. Mardaga (15 sept. 2002)

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Contenu

Vous trouverez ci-après le début du livre (après la préface de Jacques Corraze), de la page 9 au début de la page 16. Il s'agit de la présentation de la première partie (La désinformation) et du début du premier chapitre (L'embargo des archives). Ce extrait suit la préface de Jacques Corraze

Le livre se poursuit par de très nombreux exemples de cet incroyable censure (Bénesteau remarque : Pour autant que je sache, nulle part au monde dans aucune nation civilisée de telles restrictions, d'une telle ampleur et d'une telle durée, n'ont été imposées, en dehors des secrets d'État des staliniens, assez poreux, et peut-être de l'Enfer du Vatican, dont les secrets ordinaires, vaporeux, ne sont gardés que pendant soixante années.), et les chapitres suivant détaillent les raisons de cet embargo généralisé.

Il a été très difficile d'arrêter une limite pour cet extrait : il suffit de se plonger dans le livre pour ne plus vouloir s'arrêter !

Complément

Voir aussi sur ce site la présentation, le sommaire et ma revue du livre.

Pages 9 à 16 De Mensonges Freudiens

PREMIERE PARTIE : LA DESINFORMATION

« Si rien n´est plus raffiné que la technique de la propagande moderne, rien n´est plus grossier que le contenu de ses assertions, qui révèlent un mépris absolu et total de la vérité. Et même de la simple vraisemblance. Mépris qui n´est égalé que par celui — qu´il implique — des facultés mentales de ceux à qui elle s´adresse. »

Alexandre Koyré, 1943.(1)

Sélectionner les informations est une opération mentale permanente, que toute communication sociale doit imposer à ses partenaires pour l´intelligibilité des échanges. La sélection n´est pas une désinformation, même si chacun garde des informations inconnues de son interlocuteur ou de son lecteur.
La désinformation est la manipulation délibérée de l´information pour contrefaire la vérité, qu´il faut ignorer. Elle est l´instrument d´une falsification intentionnelle de la perception et de la représentation qu´autrui se fait de la réalité, dans un dessein qui profite soit à un individu, soit à une collectivité. C´est une manipulation des consciences et des images mentales. À cet égard, les champions des techniques sophistiquées de la désinformation sont les militaires et les services secrets, les groupes industriels ou politiques, car elles ont permis aux uns et aux autres de gagner des guerres sans bataille ce qui, selon Sun-Tsé qui les préconisait plusieurs siècles avant Jésus Christ, constitue la forme suprême de l´art de la guerre.(2) Une guerre commerciale fut remportée par une célèbre marque de soda, qui laissa entendre dans un pays musulman de la péninsule arabique que le produit concurrent était fabriqué avec de la pepsine de porc... Voilà un prototype des techniques dont se servent, mutatis mutandis, les stratèges des idéologies, à commencer par les freudiens. Ou le Kominform, pour la même fin : la domination totalitaire.

Dans la désinformation le procédé le plus commode, des plus simples, consiste à soustraire l´information. Les singes cercopithèques sont déjà capables de cette duperie pour s´assurer un avantage sur la concurrence et promouvoir leur capital génétique, par l´appropriation égoïste des ressources alimentaires et des partenaires de leur procréation. Que dire des primates hominidés ?
La prévarication de l´information exige moins d´effort que le mensonge. Le mensonge est une arme à double tranchant : il nécessite de fournir une information fausse pour en dissimuler une autre, vraie, ce qui comporte un risque que la vérité soit dévoilée par la distraction, l´inintelligence de son auteur, ou les qualités contraires de sa victime. La suppression des données à la source est un moyen libérant le menteur par omission de l´obligation de contrôle du faux. Aussi cette soustraction est-elle moins consommatrice de son énergie et d´une intelligence toujours limitée. Tant que la censure n´aura pas été découverte, le truqueur n´est pas en danger : il n´y a rien à démentir car ni le vrai ni le faux n´est vérifiable. L´important dans le secret étant qu´on ne sache pas qu´il existe un secret, il conviendra simplement au préalable de dissimuler la censure, « cette chienne au front bas qui suit tous les pouvoirs » que reconnaissait Victor Hugo dans les Chants du Crépuscule.

La langue russe est aussi belle que riche pour manipuler les images mentales et les contrefaire s´il convient de falsifier les communications. Le Russe possède deux mots pour un seul concept : la vérité. La Pravda est une petite vérité, immédiate et vulgaire, pragmatique et solide, quotidienne et publique, définitive et sensorielle. La Istina, vérité profonde, plus abstraite et réfléchie, lointaine et inachevée, exigeante, reste à découvrir. La Pravda est révélée au commun par les sens ; la Istina, d´ailleurs essentielle à la liturgie orthodoxe, se mérite par l´intelligence de l´élite ou de l´aristocrate. La propagande freudienne a usé de la première pour empêcher la connaissance de la seconde, dans des caviardages savants dont Sigmund Freud fut lui même l´agent, et ses successeurs les imitateurs fidèles et scrupuleux. La contrefaçon, la prévarication et le camouflage, l´invention et l´incrustation, et puis bien d´autres méthodes plus subtiles de manipulation de l´information écrite ou orale ont été employées par les freudiens, dans des proportions qu´il est difficile pour l´honnête homme d´imaginer, aussi longtemps qu´il n´a pas consulté la littérature, elle-même réservée aux spécialistes puisqu´une petite partie seulement a été traduite...

Une masse considérable de documents essentiels à la compréhension de la construction de la psychanalyse a d´abord été l´objet de la forme la plus primitive de mystification : la soustraction totale ou partielle des informations. Au premier chef elle a servi à supprimer les preuves des autres falsifications. Cet embargo n´est rien d´autre que le premier stade de la création sociale du mythe psychanalytique. La suppression active de l´histoire ménage alors la place indispensable à la bonne exécution de la seconde étape, plus complexe, qui sera la fabrication d´un passé conforme à l´idée que l´on veut insérer dans le présent. Le but est la domination idéologique dans une illusion invulnérable aux objections. 1984 ?

CHAPITRE PREMIER

L´EMBARGO DES ARCHIVES

« Le mensonge, ce rêve pris sur le fait. »
Louis Ferdinand Céline, 1932.(3)

« La réalité demeurera à jamais "inconnaissable". »
Sigmund Freud, 1938.(4)

Les bons exemples du créateur

Une lettre de Freud à sa fiancée Martha Bernays, datée d´avril 1884, nous apprend que Sigmund songe à son destin héroïque. Il n´a que 27 ans. Et bien qu´il soit tenaillé depuis l´enfance par une énorme aspiration à la valeur, par la peur de l´anonymat et de la médiocrité, il affirme à sa promise dans une formidable rhétorique du déni que « Je ne suis guère ambitieux. Je n´ai pas besoin d´être reconnu pour savoir que je suis quelqu´un ». (5) Pourtant, celui qui avait peur qu´on oubliât son nom puisqu´il n´avait « rien fait de remarquable jusqu´ici »(6), annonce un an plus tard à Martha que, n´ayant toujours rien dans sa courte carrière pour justifier ses présomptions à la reconnaissance universelle, il pense déjà à ses biographes. Venant de détruire ses notes, lettres, extraits scientifiques et manuscrits des 14 années précédentes — soit, à 28 ans, la moitié de sa jeune vie ––, il leur a coupé l´herbe sous les pieds. De sorte que, lui écrit-il encore, « chacun d´eux pourra garder son opinion personnelle sur le ‘‘développement du héros´´, je me réjouis déjà des erreurs qu´ils commettront ». (7) De fait, les biographes commettront une énorme quantité de bévues, mais surtout contribueront en toute connaissance de cause à la désinformation dont le héros légendaire donna les meilleurs exemples.

En 1897 Freud détruit ses tirés à part d´une conférence litigieuse datant de mars 1885 sur la cocaïne, puis la retire de son épreuve de titre destinée à appuyer sa demande de nomination comme professeur à la faculté. (8) Mais l´article en question, nuisible à l´image glorieuse qu´il cherchait à fabriquer, avait déjà paru et l´affaire n´a pu être effacée de l´histoire.
La publication posthume de « Entwurf einer Psychologie »(9) ne comporte que les deux manuscrits envoyés à Wilhelm Fliess le 8 octobre 1895. Le troisième et dernier carnet, qui contenait la solution d´énigmes et de controverses historiques, a disparu depuis plus d´un demi siècle et sans doute Freud l´a-t-il éliminé aussi. (10) Ses lettres à Charcot n´ont pas survécu non plus. Mais une courte correspondance de Charcot à Freud, entre 1888 et 1892, a été retrouvée parmi les documents de ce dernier. On y trouvera, entre autres choses, le démenti d´une affirmation du Viennois selon laquelle il avait des raisons de suspecter que Charcot, ulcéré par son sans-gêne, avait mal reçu ses nombreux commentaires personnels et notes critiques de bas de page, qu´il ajouta dans sa traduction des Leçons du neurologue de la Salpêtrière sans lui avoir demandé son avis. En réalité ce courrier de Charcot, non publié parce qu´il ne fallait pas contredire les propos mensongers de Freud, est enthousiaste et le félicite très chaleureusement de ses initiatives.(11)

En 1907 et mars 1908 disparurent encore dans les flammes une grosse quantité de papiers, dont le courrier de Wilhelm Fliess que Freud prétendra plus tard avoir perdu ou ingénieusement dissimulé au point de ne plus le retrouver malgré ses recherches. En 1915, ayant très peu de malades, il eut le loisir de rédiger 12 articles très denses, sans compter les premières conférences d´Introduction à la Psychanalyse qui paraîtront l´année suivante. (12) Parmi les 12 articles, 6 seront brûlés en 1917, qui devaient faire partie de la « métapsychologie », et un septième (13) ne sera édité que 70 ans plus tard, après avoir été retrouvé à Londres en 1983 dans une vieille valise parmi les dossiers que Sandor Ferenczi avait légués à Michael Balint. Enfin, peu de temps avant son départ de Vienne en 1938, il supprima encore de nombreux documents.

Ainsi, au moins sept fois — en 1885 (le 28 avril, puis le 31 août en quittant l´hôpital général de Vienne), 1897, 1907, 1908, 1917, 1938, puis à différents moments — Freud a éliminé ses notes, courriers, manuscrits, et ses journaux cliniques, ce qu´on peut trouver légitime puisqu´il s´agissait de ses documents. Mais ce qui est intéressant dans cette entreprise de destruction systématique tient à la nature des informations écartées et des traces qu´il a cherché à effacer sans toujours y parvenir.

Les inquiétantes étrangetés des Archives Freud

Un volume considérable de documents historiques, de la jeunesse du héros à sa mort, est entreposé dans plus d´une vingtaine d´endroits au monde, principalement dans des bibliothèques universitaires à Jérusalem, New York, Washington, Stanford, Yale, Columbia, Londres, Manchester, Colchester, Vienne, Zurich, Bâle, Genève, Munich, Tübingen, ou ailleurs. Une partie appartient encore au Freud Museum de Londres. Mais la plus imposante se trouve à la section des manuscrits de la Bibliothèque du Congrès (The Library of Congress) des Etats-Unis à Washington, constituant la Freud Collection, souche-mère de plus de quatre-vingt mille documents, dont environ quarante cinq mille manuscrits, et de vingt à trente cinq mille lettres, sans compter l´iconographie ni les reliques. (14)

Que ce qui est publié de Freud subisse un contrôle pour le reversement des droits d´auteur à ses légataires (ses petits enfants) ne doit gêner personne puisque ce n´est que l´application des dispositions testamentaires. Avec cette particularité que les Freud Copyrights (à Wivenhoe, près de Colchester en Angleterre) s´occupant de cette gestion peuvent aussi exiger, avant d´accorder à un auteur les droits d´édition d´une iconographie, un contrôle du contenu du texte sur Freud devant l´accompagner. Cette pratique singulière contraint les éditeurs à prendre des précautions en citant Freud.
Paul Roazen, qui note (15) cette étrangeté parmi d´autres, rappelle que Freud avait pourtant coutume d´offrir à ses patients et à des visiteurs des images de sa personne sans que ceux-ci le lui demandassent. Bizarrement, l´édition originale du même livre de Roazen (1993) contient une riche, et rare, documentation photographique qui a disparu de la traduction française (16) laquelle ne le signale pas, alors qu´il est question de son importance historique dans le texte, et particulièrement du destin curieux d´un portrait de Freud. Il faut encore un œil exercé par l´habitude du soupçon justifié, pour se rendre compte que Roazen avait déjà eu droit à des traductions tronquées de ses livres. Ainsi le « Comment Freud analysait » (17) ne représente que 54 des 600 pages du « Freud and his followers » du même auteur (1975), et sans son iconographie. Les trois volumes de l´imposante biographie de Freud par Ernest Jones ont aussi perdu en France leurs photographies, ce qui n´est pas non plus signalé par l´éditeur. L´iconographie originale de « la vie de Freud », romancée par Irving Stone en 1971, et celle du superbe livre de l´historien Frank Sulloway (1979), ont également disparu de leurs traductions françaises, la même année, en 1998. (18)

Mais les dispositions prises par les cerbères de l´organisation psychanalytique pour interdire l´accès à la documentation sont beaucoup plus étonnantes. De très nombreuses pièces essentielles ont été rendues inaccessibles au regard des curieux, des historiens et des érudits, parfois jusqu´au XXIIème siècle ! Les historiens le regrettent, puisque condamnés par les freudiens à l´ignorance, ils seront tous morts avant d´avoir pu contempler leurs sources. Sans compter qu´on peut vraiment se demander quel sera l´intérêt de la psychanalyse lorsque, par exemple, une lettre de Sigmund Freud à Josef Breuer sera libérée de cette interdiction en 2102, soit 177 ans après le décès de son destinataire à qui elle appartenait. Quels secrets peut bien contenir le lot de documents d´abord réputé pendant des années inaccessible jusqu´en 2102, puis soudain déclassé et expressément interdit jusqu´en… 2113 ? ! (19)

Notes

  1. Koyré, Réflexions sur le mensonge: 13-14.

  2. Sun-Tsé: l´art de la Guerre (in G. Chaliand, 1990: 281-303). Cf. Roland Jacquard, 1986 et Vladimir Volkoff, 1999.

  3. Céline: 1932, Voyage au bout de la nuit.

  4. Abrégé de Psychanalyse: 73.

  5. cité par Schur, 1972: 51.

  6. ibid.

  7. Lettre du 28/04-1885, in Schur, 1972: 53-55 (& in Correspondance 1873-1939).

  8. La conférence évacuée: Freud 1885, Über die Allgemeinwirkung des Cocains. L´épreuve de titre: Freud 1897, Inhaltsangaben der Wissenschaftlichen Arbeiten.... Sur cette désinformation voir ici le chapitre: La Potion Magique.

  9. in S. Freud, 1895: La naissance de la psychanalyse. P.U.F. 1969: 307-396.

  10. Selon Frank Sulloway, 1979: 114; & Lettre de Freud à Fliess du 8/10-1895.

  11. Cf. note de Masson, in Complete Letters Freud-Fliess: 19-20 n. & pour la correspondance avec Charcot: Gelfand, 1988. Les propos mensongers de Freud se trouvent dans 1901, Zur Psychopathologie des Alltagslebens (Psychopathologie de la vie quotidienne: 171-172 fin du chap. 7).

  12. Cf. Jones, vol 2: 197-199

  13. 1915, Übersicht der Übertragungsneurose.

  14. Cf. Jeffrey Masson, 1984 (The Assault on Truth): xxii; Freud, sa correspondance et ses correspondants, in Revue Internationale d´Histoire de la Psychanalyse, 1989 nº2. Cf. Library of Congress, 101 Independence Avenue. S.E. Washington D.C. 20 540, USA (site Internet: www.loc.gov).

  15. Roazen 1993, Meeting Freud´s Family: 103.

  16. Roazen, ibid. 1993, Mes rencontres avec la famille de Freud, Éditions du Seuil 1996.

  17. Trad. fr. Navarin 1989. Une autre partie de Freud and his followers (Paul Roazen, 1975) fut éditée sous le titre La saga freudienne en 1986 aux Presses Universitaires de France.

  18. Irving Stone 1971 (trad. fr. La Vie de Freud Pygmalion/Gérard Watelet 1998.) & Sulloway 1979 (trad. fr. Freud, Biologiste de l´Esprit, 2ème édition Fayard 1998).

  19. Crews, 1995: 132.

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28 sept. 02 1ère mise en ligne