Le QI des chiens

Philippe Gouillou - 30 juillet 2016 - MàJ : 9 février 2023 -https://douance.org/qi/qi-chiens.html
L'existence d'un facteur général d'intelligence (Facteur g) n'est pas réservée aux humains : on retrouve la même structure hiérarchique des capacités cognitives chez les chiens.

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Synthèse

Le facteur g humain

Le facteur g avait été découvert par Charles Spearman en 1904. Il correspond au fait qu'une personne réussissant bien sur un test d'un type d'intelligence réussira généralement bien aussi aux autres tests : il existe un facteur général qui est important dans chacune des tâches cognitives.

Une conséquence pratique de l'existence de ce facteur g est que l'on peut mesurer l'intelligence générale de quelqu'un en ne s'intéressant qu'à un seul type d'intelligence : un test de logique (le plus souvent utilisé parce que le plus simple à administrer) en apprendra tout autant sur les capacités cognitives de l'individu dans les autres domaines que tout autre test1. Au niveau mathématique, il y a forte corrélation entre les résultats à différents tests cognitifs.

Bien sûr, ce facteur général n'explique pas toute l'intelligence : chaque tâche est aussi dépendante de facteurs qui lui sont propres ("spécifiques" : facteur s). Mais ce facteur g correspond à une caractéristique biologique qui est importante pour chacune de nos tâches cognitives, et qui correspond bien à ce que l'on désigne en général par le mot "intelligence"2.

Le facteur g chez les animaux

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Arden, R., & Adams, M. J. (2016) ont remarqué qu'il n'existe que peu d'études sur l'intelligence générale animale (moins de 25), mais qu'elles ont trouvé un facteur g chez la souris et que deux études sur trois en ont trouvé un chez le chimpanzé.

Ils ont donc testé 68 border collies3, 34 mâles et 34 femelles de 1 à 12 ans, vivant dans des fermes du Pays de Galles. Ils ont fait attention à choisir des chiens provenant de la même famille et vivant dans un environnement similaire. Ils leur ont fait passer 6 tâches (dont quatre liées) dans une grange spécialement créée pour l'étude.

Ils ont trouvé que le meilleur modèle pour expliquer les différences individuelles de résultats était celui hiérarchique, avec un facteur général (g) expliquant 17% de la variance :

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Le facteur g n'est pas une exclusivité humaine, mais une règle générale de l'intelligence animale.

L'indifférence de l'indicateur

Les auteurs remarquent que cette généralisation du facteur g hors espèce humaine correspond bien à ce que Spearman avait nommé indifférence de l'indicateur :

4.3 La mesure de l'intelligence animale
A la découverte de g, Spearman avait créé l'expression "l'indifférence de l'indicateur_" ; il voulait indiquer que _g sature toute tâche cognitive, y compris la plus simple, comme une tâche de temps de réaction (Deary, Der, & Ford, 2001). C'était une découverte importante parce qu'elle montre que l'on peut apprendre sur g sans avoir à connaître quelles pressions sélectives ont façonné les capacités cognitives, ou comment analyser l'intelligence d'une façon évolutionnaire. Cette indifférence de l'indicateur est précisément ce qui rend possible de tester les capacités cognitives dans d'autres espèces sans dépendre de tâches écologiquement pertinentes (comme trouver un partenaire, éviter les prédateurs, choisir entre des lieux de nidification). Les tests utilisés routinement chez les humains sont fiables et valides alors qu'ils n'ont aucune relation avec la réalité écologique d'être une personne (comme se faire et garder des amis, trouver où vivre, obtenir un travail). Ils n'ont que peu de connexion avec la myriade de problèmes récurrents rencontrés par nos ancêtres et beaucoup de tests restent valides auprès de populations n'ayant que peu d'expérience avec leur contenu ou leur format (Rushton, Čvorović, & Bons, 2007).
Arden, R., & Adams, M. J. (2016, pp 83-84)4

Traduction de l'Abstract

Des centaines d'études ont montré que, chez l'homme, les capacités cognitives se chevauchent et donnent lieu à un facteur "g" sous-jacent, qui explique une grande partie de la variance. Nous avons évalué les différences individuelles dans les capacités cognitives de 68 border collies afin de déterminer la structure de l'intelligence chez les chiens. Nous avons administré quatre configurations d'un test de détour et des essais répétés de deux tâches de choix (suivi de points et discrimination de quantité). Nous avons utilisé une analyse factorielle confirmatoire pour tester des modèles alternatifs expliquant les performances du test. Le modèle le mieux adapté était un modèle hiérarchique comportant trois facteurs d'ordre inférieur pour le temps de détour, le temps de choix et le score de choix, ainsi qu'un facteur d'ordre supérieur ; ces facteurs expliquaient conjointement 68 % de la variance des scores aux tâches. Le facteur d'ordre supérieur représentait à lui seul 17 % de la variance. Les chiens qui terminaient rapidement les tâches de détour avaient également tendance à obtenir des scores élevés dans les tâches de choix, ce qui pourrait s'expliquer par un facteur d'intelligence générale. L'étude de l'intelligence générale chez les espèces non humaines est une composante essentielle du développement d'une théorie complète de l'intelligence générale ; cela est possible car l'évaluation des capacités cognitives chez d'autres espèces ne dépend pas de tests écologiquement pertinents. La découverte de la place de g parmi les traits porteurs d'aptitude chez d'autres espèces constituera une avancée majeure dans la compréhension de l'évolution de l'intelligence.
Arden, R., & Adams, M. J. (2016)5

Traduction des Highlights

— La structure des capacités cognitives des chiens est similaire à celle des humains.
— Les chiens qui résolvent les problèmes plus rapidement sont aussi plus précis.
— Les capacités cognitives des chiens peuvent être testées rapidement, comme celles des humains.
— Des études plus importantes sur les différences individuelles dans la cognition des chiens contribueront à l'épidémiologie cognitive.
Arden, R., & Adams, M. J. (2016)6

Liens

Références

Arden, R., & Adams, M. J. (2016). A general intelligence factor in dogs. Intelligence, 55, 79–85. doi:10.1016/j.intell.2016.01.008

Brand, C. (1996). The g Factor: General Intelligence and its Implications

Chabris, C. F. (2006). Cognitive and neurobiological mechanisms of the Law of General Intelligence. In M. J. Roberts (Ed.), Integrating the mind: Domain general versus domain specific processes in higher cognition (Chap. 19). Hove, UK: Psychology Press.

Historique des modifications

Date Historique
9 février 2023 Traduction de l'Abstract et des Highlights
30 juillet 2016 1ère Mise en ligne

Notes


  1. Et ceux qui affirment que le QI ne mesure que l'"intelligence logique" (ou équivalent) ne font que montrer qu'ils n'ont strictement rien compris... 

  2. Voir la FAQ Intelligence 

  3. A noter que le border collie (photo ci-dessus), un chien de troupeau, est réputé être le plus intelligent des chiens, et qu'en France des tests permettent de conserver les capacités cognitives de la race :

    "Le border collie se distingue plus par ses excellentes aptitudes de berger que par sa morphologie. Une spécificité française exige, contrairement aux pays d'Europe, qu'il se soumette à un examen dit « de confirmation ». Celui-ci se déroule sous la houlette d'un expert-confirmateur, la particularité de la race étant que cet examen n'est pas uniquement un examen morphologique, mais surtout un test de travail sur un troupeau. Afin que cet examen soit mené au mieux, le border collie est la seule race dont la confirmation a été déléguée au club de race par la Société centrale canine. La confirmation donne à la descendance d'un sujet la possibilité d'être inscrit sur un livre des origines officiel."
    Border collie — Wikipédia

  4. Traduction depuis :

    4.3.Measurement of animal intelligence
    In discovering g, Spearman coined the phrase “the indifference of the indicator”; he meant that g saturates any cognitive task, even the simplest, such as reaction time tasks (Deary, Der, & Ford, 2001). This was an important finding because it shows that one can learn about g without knowing what selection pressures shaped cognitive abilities, or how to parse intelligence in an evolutionarily-informed manner. The very indifference of the indicator makes it possible to test cognitive abilities in other species without depending on ecologically relevant tasks (such as finding and choosing a mate, avoiding predators, discriminating between nest sites). Tests used routinely on humans are reliable and valid while bearing no relation to the ecological reality of being a person (such as making and retaining friends, finding a place to live, getting a job). They have little connection with the myriad recurrent problems faced by our ancestors and many tests are valid even when administered to people who have little experience with their content or format (Rushton, Čvorović, & Bons, 2007).
    Arden, R., & Adams, M. J. (2016, pp 83-84)

  5. Traduction depuis :

    Hundreds of studies have shown that, in people, cognitive abilities overlap yielding an underlying ‘g’ factor, which explains much of the variance. We assessed individual differences in cognitive abilities in 68 border collies to determine the structure of intelligence in dogs. We administered four configurations of a detour test and repeated trials of two choice tasks (point-following and quantity-discrimination). We used confirmatory factor analysis to test alternative models explaining test performance. The best-fitting model was a hierarchical model with three lower-order factors for the detour time, choice time, and choice score and a higher order factor; these accounted jointly for 68% of the variance in task scores. The higher order factor alone accounted for 17% of the variance. Dogs that quickly completed the detour tasks also tended to score highly on the choice tasks; this could be explained by a general intelligence factor. Learning about g in non human species is an essential component of developing a complete theory of g; this is feasible because testing cognitive abilities in other species does not depend on ecologically relevant tests. Discovering the place of g among fitness-bearing traits in other species will constitute a major advance in understanding the evolution of intelligence.
    Arden, R., & Adams, M. J. (2016

  6. Traduction depuis :

    — The structure of cognitive abilities in dogs is similar to that found in people.
    — Dogs that solved problems more quickly were also more accurate.
    — Dogs' cognitive abilities can be tested quickly, like those of people.
    — Bigger individual differences studies on dog cognition will contribute to cognitive epidemiology.
    Arden, R., & Adams, M. J. (2016)[^highlight]